Jeff Bodart

Jeff Bodart

Presse 2000/2002

Amoureux de la scène

Interview, septembre 2002

Jeff Bodart en concert, c'est un spectacle total. A croire qu'il a avalé une valise de ressorts. Il court, bondit, grimpe, gesticule, harangue et... explose. Est-ce d'avoir en son temps chanté 'Du vélo sans les mains' qu'il a acquis ce sens de l'équilibre? Le virus de la scène, il l'a contracté durant les années "Gangsters d'amour", groupe dont il était de toute évidence l'homme-orchestre. Il s'y trouvait déjà au micro pour interpréter des chansons dont il avait écrit les paroles et les musiques.

Il vous est arrivé l'été dernier une aventure assez incroyable...
C'est bien le mot. Lors d'un concert en plein air, j'ai glissé... une peau de banane. Je ne sais pas comment elle s'est retrouvée là, sur le bord de la scène. Peut-être y avait-elle laissée par inadvertance, par quel-qu'un qui avait pris part au montage de scène. L'ironie suprême est que l'un mes potes venait d'arriver de Paris, pour me proposer plusieurs chansons mon futur album et que l'une d'elles s'intitule... Peaux de bananes!

Pourtant, vous avez continué, malgré la douleur, rien donc n'arrête Jeff Bodart ?
II en faut effectivement beaucoup pour que je déclare forfait. Lors une tournée en ex-Union soviétique, je m'étais fracturé la malléole (ndlr: petit os saillant de la cheville) et j'ai donné trente concerts avec des béquilles. Une chose pourtant m'avait horriblement gêné: bien qu'arrivé le dernier, j'avais été soigné le premier et l'on m'avait appliqué le seul plâtre disponible restant, si bien que le patient suivant, blessé bien avant moi, n'a pu en bénéficier. Une fois pourtant, j'ai dû renoncer. Je m'étais fracturé le poignet. Cela mis à part, j'ai toujours fait en sorte d'assurer parce que je considère que "the show must go on".

Vous entretenez votre condition physique ?
Bien sûr. Je cours, je nage, je joue au badminton. Je veille à boire plus raisonnablement. Et à moins manger, je suis quelqu'un de très gourmand. Si je ne me dépensais pas autant à l'atterrissage d'un saut en parachute, je crois que je deviendrais énorme.

Vous êtes pour un spectacle interactif ?
En général, ça démarre assez cool. Je n'éprouve pas le besoin de parler aux gens avant la quatrième ou la cinquième chanson, puis petit à petit, je chauffe le public et ça finit carrément par déménager. Mon cœur bat pour la scène, même si j'aimerais travailler davantage en studio. Le bonheur ultime, c'est d'écrire et de chanter pour les gens. Ce que je pense des interviews? Je trouve cela génial car je peux parler de tout ce que j'aime sur terre.

Et ce ne sont pas nécessairement les artistes que vous portez le plus dans votre cœur!
Déjà, je n'aime pas trop le mot. Pendant des années, j'ai cru que tous les grands artistes étaient des chic types. Pour moi, cela allait de soi. Puis j'ai rencontré des gens qui, par leur attitude, ont détruit cette illusion. Moi, j'ai toujours autant envie d'être un chic type, mais le milieu est peu généreux et peu sincère.

Vous avez côtoyé le grand Charles Trenet...
Absolument. J'ai assuré cinq fois la première partie de son récital. Artistiquement, il était formidable mais j'appréciais nettement moins ce nombrilisme, cet égocentrisme dont il faisait preuve et que l'on rencontre malheureusement trop souvent. Les chemins de traverse sont parfois tellement plus intéressants. On ne fait pas de la musique pour paraître, ni pour grimper à l'échelle sociale, mais pour partager.

Il paraît que l'on appelle Gene Hackman "Celui qui porte le même chapeau de Jeff Bodart"...
Je porte en effet le style de bob qui le coiffait dans French Connection, un film dont j'ai adoré le côté désespéré. Si je rencontrais Gene Hackman? Je ne saurais pas quoi lui dire. Mes copains, eux, m'ont baptisé Popeye.

C'est votre seule relation au cinéma ?
Eh bien non! J'ai composé de la musique pour des films, des téléfilms et des courts métrages, dont Petite misère, avec Marie Trintignant. Je n'en retire aucune fierté particulière - il n'y a pas lieu - mais, en revanche, je suis très content de l'avoir fait. Je suis un fan de musique instrumentale, pas du tout pour mes propres disques mais pour l'accompagnement d'images. Une musique qui se construit progressivement, d'abord sur base du scénario, puis au gré du montage. C'est passionnant.

Vous avez vous aussi chanté en duo...
Mais oui. Lors de différents concerts, j'ai chanté avec Benoît Poelvoorde, Kent, Zazie, Miossec, Louis Chedid, Axelle Red et Philippe Lafontaine. Mon rêve? Ce serait de pouvoir enregistrer un morceau avec Alain Bashung. Je sais qu'il apprécie beaucoup mon travail.

Parlons précisément de ce travail. Un album encore tiède et déjà le suivant qui pointe le bout du nez...
L'album tiède date tout de même déjà de 2001. Mais il est vrai qu'il n'est sorti en France qu'en février de cette année. Le suivant devrait être chez les disquaires au début de l'année prochaine. Cela vous paraît rapide? J'en ai un peu marre du système français qui impose un délai minimum de deux à trois ans entre les albums, sous prétexte qu'il y a les promos, les concerts, les radios et le temps consacré à l'écriture. Le titre du dernier CD était sans doute prémonitoire: Ça ne me suffit plus. J'ai décidé de pousser le turbo. La vie est trop courte pour s'ennuyer. Avançons donc! Là, j'ai vingt-cinq chansons qui sont prêtes dont douze seront retenues pour le nouvel album.

La France est-elle un eldorado ou plutôt un miroir aux alouettes ?
Ni l'un ni l'autre. J'y ai un public fidèle, qui me suit un peu partout et n'hésite pas à se déplacer en Belgique pour m'applaudir. Je connais personnellement plusieurs de ces fans.

Vos albums sont-ils à chaque fois différents ?
J'espère bien que les gens auront du mal à les ranger l'un à côté de l'autre! Je mets un point d'honneur à explorer des voies nouvelles. Et c'est très excitant. Marc Emile Baronheid

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